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Elle ne passe pas inaperçue. C’est une bâtisse aux tons clairs, percée en son centre d’une vitrine où sont parsemés ici et là, des regards posés sur une palette de couleurs. Nous sommes rue Alapetite, à La Châtre, et en ce matin d’octobre, c’est une chaude tasse de thé qui nous attend à l’étage de l’atelier Clair de Lumière de Nathalie Gesell. “Ces regards, ce sont ceux de ma famille, me confie-t-elle entre deux gorgées. C’est mon arbre généalogique que j’ai réalisé là”.
Comme ses aïeux, je contemple. Dans la lumière traversante, je re-découvre la subtile élégance du verre, une matière que Nathalie a elle-même rencontrée grâce à son grand-père photographe. A l’époque, c’était sur cette surface transparente que la lumière traçait ses sillons. L’artisan la retouchait à la main. Fascinée, Nathalie a fait de la photographie son premier métier. “Mais plus tard, j’ai eu l’impression de devenir un ingénieur informatique. Tout s’automatisait”. Retour aux sources donc, et retour à la matière, au bord de l’Indre, à La Châtre.
La matière, les couleurs, l’ampleur. Ouvrir grand le champ des possibles, créer de la pointe d’un crayon à la couleur translucide en passant par la cuisson du verre.
Toutes les échelles de la création se fondent ici, en bijoux raffinés qui subliment la féminité jusqu’à l’ampleur impressionnante du vitrail. “Pour une oeuvre, c’est tout un pan du dessin original que j’ai dû ré-inventer”, explique Nathalie. Grâce à ses connaissances, elle retrouve les lignes, les symboles, la lumière. Son passage à l’Institut Supérieur de la Théologie des Arts lui permet d’analyser, de comprendre, de créer. Cela lui ouvre les portes de la tradition comme de la personnalisation.
“On ne se doute pas assez qu’une femme puisse créer. Pourtant, les métiers d’art sont très féminisés. Peut-être faudrait-il que nous, les femmes de l’artisanat, les femmes de l’art, nous puissions mieux nous démarquer, nous exprimer ensemble.” Créer pour le message, au-delà des symboles et des idées préconçues. Il y a dans le regard de Nathalie la farouche volonté d’aller plus loin, dans son art, dans ses gestes. C’est son esprit qui parle avec ses mains.
C’est cela qu’elle partage avec tous les regards qui composent l’histoire de sa famille, mosaïque d’artistes venus des quatre coins d’Europe pour se poser là, à La Châtre, se reflétant dans les créations de Nathalie. Et c’est cela qu’elle vous invite à découvrir dans son atelier, entre les croquis et les tasses de thé : l’ampleur impressionnante de la femme qui pense et qui crée, au-delà des cadres pré-conçus.
C’est d’ailleurs peut-être parce qu’elles créent de leurs propres mains que les femmes de l’artisanat ont cette farouche volonté d’être elles-mêmes. En quittant l’atelier de Nathalie ce matin-là, je me remémore les mots de Simone de Beauvoir : ” C’est dans les petites communautés rurales qu’on voit les époux vivre sur un pied d’égalité ; la femme n’est ni une chose, ni une servante […] elle oppose la ruse à la force et les époux se retrouvent à égalité.” C’est peut-être aussi cela qui me fascine dans cette liberté de créer chez les artisans, homme ou femme : c’est leur faculté, par l’art et le geste, de transmettre sans entrave leur propre lumière.